Les Palestiniens surpris par le vote de l’ONU le 29 novembre en faveur du Plan de Partage, tant il était injuste, illégitime, immoral, déséquilibré... se révoltent aussitôt. Le mouvement sioniste exulte devant cette partition très avantageuse… et prévoit une extension du territoire alloué. Juste après le vote 5 Juifs et 3 Arabes sont tués lors d’affrontements entre les 2 camps. Les jours suivants des incidents armés éclatent sur les zones de contact causant de nombreux morts et blessés des 2 côtés.
Un objectif annoncé par le mouvement sioniste.
Le 2 novembre devant l’Exécutif de l’Agence juive, Ben Gourion, inquiet à l’idée que les Palestiniens habitant à l’intérieur du futur État juif puissent devenir une cinquième colonne, déclare « on peut soit les arrêter en masse, soit les expulser ; mieux vaut les expulser ». (page 79, chapitre 4 « Finalisation d’un Plan Directeur », dans « Le nettoyage ethnique de la Palestine » 2008, par Ilan Pappe, historien israélien).
Le 3 décembre 1947 dans un discours prononcé devant les dirigeants de son parti Ben Gourion déclare : « Il y a 40% de non-Juifs dans les territoires alloués à l’État juif. Cette composition n’est pas une base solide pour un État juif. Et nous devons regarder en face cette nouvelle réalité dans toute sa gravité et sa spécificité. Cette balance démographique remet en cause notre aptitude à maintenir la souveraineté juive… Seul un État ayant au moins 80% de Juifs est un État viable et stable. » (Idem Pappe, page 78)
Le 10 décembre 1947, le Conseil Consultatif (direction sioniste) confirme cette orientation vers une politique d’occupation et d’expulsion des territoires alloués ou convoités.
Dans cette logique, à partir de mi-décembre, les forces sionistes, mieux armées et organisées, vont changer de stratégie lors d’attaques de quartiers arabes ou de villages. Avec comme objectif de provoquer l’exode forcé de familles palestiniennes fuyant les menaces et violences, les destructions partielles ou totales de villages et quartiers.
Ce que confirme Benny MORRIS, historien israélien « officiel », page 218 de son livre « Victimes – Histoire revisitée du conflit arabo-sioniste » (éditions Complexe, traduction française 2003). Pour la Haganah « dès la mi-décembre, une défense active ou agressive avait remplacé le principe de la simple défense… les Juifs avaient tendance à exercer des représailles disproportionnées aux attaques arabes initiales. Cette stratégie contribua à embraser d’autres régions qui avaient jusque-là échappé aux hostilités. Dès le début, l’Irgoun et le Lehi, ainsi que la Haganah dans une moindre mesure, perpétrèrent des attentats contre des centres civils et des milices. Les Arabes ripostèrent en plaçant d’importantes charges explosives dans les centres civils juifs, en particulier à Jérusalem. »
Cette nuit du 18-19 décembre Al-Khisas, village palestinien agricole, situé à la frontière syro-libanaise au Nord-Est de la Palestine, d’environ 400 musulmans et 100 chrétiens, est la cible d’une attaque du Palmach, un des mouvements armé sioniste. Les miliciens du Palmach traversent le village en tirant et en faisant sauter des maisons avec des bombes alors que les occupants dorment. Plusieurs maisons sont détruites dont la propriété de l’émir Faour. Quinze villageois furent tués, dont 5 enfants. Suite au reportage et à l’enquête d’un correspondant du New York Times qui fut choqué, Ben Gourion regretta cette attaque qu’il n’aurait pas autorisée… Mais le 2 janvier une réunion de hauts responsables militaires et civils (dont Moshé Dayan) valida cette attaque et le 6 avril 1948 Ben Gourion l’inclura dans une liste d’opération réussie ! (Pappe, page 79)
Cette attaque avait été présentée comme des représailles à la mort d’un membre d’un kibboutz voisin lui-même victime de représailles suite à la mort d’un Palestinien.
Suite à cette attaque des villageois ont fui le village, d’autres les 11 et 25 mai 1948 après d’autres violences des forces sionistes puis israéliennes. Environ 55 villageois revinrent dans leur village mais furent expulsés la nuit du 5 au 6 juin 1949.
Fin 1948, le kibboutz voisin HaGoshrin s’étendit sur le secteur du village al-Khisas. Aujourd’hui un hôtel a pris la place de la propriété Faour.
Le responsable de cette expédition criminelle Yigal Allon fut vice-premier ministre travailliste après la guerre de 1967. Il donna son nom à un plan de colonisation de la Cisjordanie. Notamment de la Vallée du Jourdain, indiquant que cette Vallée était les seules « frontières défendables » de l’État juif vers l’Est.
Le processus de nettoyage ethnique, la Nakba, a continué avant et après le 15 mai 1948, après 1967 et continue en 2017.
Sources (en plus de celles déjà indiquées) :
Henry Laurens « La question de Palestine » Fayard, tome troisième page 39 à 45.
Walid Khalidi « Nakba 1947-1948 » Actes Sud 2012
Sandrine Mansour Mérien « L’histoire occultée des palestiniens 1947-1953 » Editions Privat, 2013
Dominique Vidal « Palestine 47 : Un Partage Avorté » Editions Complexe
Photos : www.PalestineRemembered.com